Johnny Hallyday


Entre seize et vingt ans j'étais serveuse, mes amis partaient tous les étés à Ibiza et moi je restais à servir les touristes, un peu déprimée de ne pas aller danser. Un soir, une amie d'une amie me dit que ses copines et elle préfèrent les vacances en septembre. Les téléphones portables n'existaient pas encore mais elle me dit passe nous voir sur place des Lices à Saint-Tropez nous y sommes tous les soirs à l'heure de l'apéro.

L'été passe, je reçois des cartes postales de l'Amnesia, du Pacha ou du Privilege tandis que je travaille douze heures par jour à servir des salades lyonnaises et des verres de Côte du Rhône à des groupes de japonais ou d'italiens. Arrive septembre et je monte dans un train au trajet interminable, mais je suis heureuse d'être enfin en vacances et j'attends avec impatience de voir la mer par la fenêtre du wagon qui fait tatactatoum, Lyon, Valence, Montélimar, tatactatoum, Avignon, Marseille, Saint-Cyr-sur-Mer, tatactatoum, Bandol, Toulon, Hyères, Le Lavandou, tatactatoum, Cavalaire-sur-Mer, Gassin et Saint-Tropez.

La première chose que je vois en arrivant c'est un panneau publicitaire pour la fondation de Brigitte Bardot au secours des animaux partout dans le monde. Pas de doute, je suis à Saint Trop'. Je m'arrête dans un bar, demande un café que je paie quinze francs, scandalisée. Pour le prix, je demande mon chemin, celui de la place des Lices où Eddie Barclay joue aux boules.

Je n'ai jamais trouvé la fille et ses copines, j'ai rencontré une barmaid qui m'a invitée à une rave où j'ai dansé ne sachant où dormir. Le lendemain, assise sur le muret dos à la mer, je regarde plusieurs mannequins, en culotte et t-shirt, descendre des yachts amarrés, aller chercher des croissants. Assise et ahurie, je vois passer Johnny Hallyday. Derrière lui, une foule de femmes hystériques se rapproche rapidement. Et parmi elles, une femme qui pousse un immense landau.

Johnny a-t-il jamais vu Le cuirassé Potemkine ?

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Samantha Barendson