Anthony Quinn

Je me baladais dans Bruxelles, sans but véritable, cherchant aventure. C'était à l'époque – je devais avoir dix-neuf ou vingt ans – une de mes activités favorites. Je séchais les cours, j'avais la journée devant moi et le monde m'appartenait.

Tournant le dos à la Porte de Namur et à ses cinémas, je descendais la rue homonyme – de Namur – en direction de la Place Royale, avec dieu sait quelle intention inavouable et muséale. Ben oui, les musées étaient gratuits à cette époque bénie, et plein d'étudiantes de l'académie pas farouches du tout – il faut tout vous expliquer ou quoi ?

Il remontait la rue en sens inverse, massif, immense. Un bref regard et hop, le voilà passé. Je m'entends encore penser qu'est-ce qu'il ressemble à Anthony Quinn, ce type... et me dire, dans la foulée non, c'est pas possible, qu'est-ce que Zorba pourrait bien venir foutre à Bruxelles. Il a autre chose à faire le mec. Ce n'est pas lui, ça ne peut pas être lui... je ne vais pas me rendre ridicule à lui demander un autographe, en plus il a une tête à ne pas avoir envie qu'on l'emmerde.

Je le regardai s'éloigner quand même, encore plus impressionnant de dos, en rêvassant aux Canons de Navarone.

Le soir, à la radio, ils mentionnaient la présence à Bruxelles d'Anthony Quinn pour enregistrer un quarante-cinq tours. Faudrait oser, parfois. 


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Marc Menu