Étudiante,
j'allais régulièrement voir des pièces du Club théâtre de la
fac. Le club était essentiellement composé d'étudiants qui
sélectionnaient les pièces à jouer. Parfois un enseignant ou un
administratif s'inscrivait mais repartait rapidement déçu de tenir
seulement le rôle du « vieux ».
Grâce
à ce club, dont j'allais rapidement faire partie, j'ai pu
connaître de nombreux auteurs. Les classiques, Shakespeare ou Lope
de Vega. Les super classiques, Jean Racine ou Jean Anouilh. Les
russes, Ivan Tourgueniev ou Valentin Kataïev. Et surtout les
vivants, Eric-Emmanuel Schmitt ou Yasmina Reza.
Mon
amour de l’œuvre de Yasmina Reza fut immédiat. Ce mélange
d'humour et de classe, de décalage dans le savoir-vivre, de
préciosité contemporaine, de moquerie affectueuse. Il y avait dans
ses textes une fraîcheur et une exigence qui me poussaient à la
lire encore et encore.
Et
puis un jour je l'ai rencontrée.
Séance
de dédicace dans une grande librairie de Lyon. Moi tremblante, un
livre à la main L'Homme du hasard, l'histoire d'une
dérencontre dans un train entre une femme qui lit un livre et
l'auteur dudit livre assis face à elle. Je fais la queue pour une
signature. Pour deux signatures, car Philippe Noiret est également
présent.
Je
fais la queue et j'écoute les mots qui se disent avant notre
rencontre, une rencontre qui sera brève, je le sais. La femme qui se
trouve avant moi est émue elle aussi et, lorsque son tour arrive,
elle lui dit qu'elle l'aime, qu'elle adore ses textes et qu'en ce
moment-même, avec sa troupe d'amateurs, elle joue l'une de ses
pièces. C'est alors que Yasmina Reza se transforme en furie et
s'insurge que l'on puisse jouer sa pièce sans permission, sans
reverser de droits d'auteurs, sans… Et la femme de lui expliquer
que la pièce est jouée gratuitement et échappe donc à la demande
d'autorisation. Yasmina se ressaisit, sourit, passe à autre chose et
mon tour arrive. Je tends mon livre, épelle mon prénom et passe à
autre chose.
Philippe
Noiret est un homme délicieux, nous avons passé quelques minutes à
refaire le monde durant lesquelles il m'a appelée "mon petit".
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Samantha Barendson