Hubert Mounier c'est l'homme avec qui j'ai adopté un petit garçon de neuf ans un soir d'été place des Jacobins.
Hubert s'appelait encore Cleet Boris et moi j'étais serveuse au Sunset café, un bar de la rue Mercière. Avec l'Affaire Louis' Trio, il répétait toutes les semaines dans un studio non loin de là. De la fenêtre du café, je voyais passer, démarche chaloupée, coiffures et costumes d'un autre temps, Cleet Boris, Karl Niagara et Bronco Junior. Trois hommes par la fenêtre d'une comédie musicale où résonnaient les notes de Chic Planète ou Bois ton café. Je les regardais ainsi sans jamais pouvoir leur dire un mot ni leur adresser un sourire.
Et puis cet homme ivre agressa un passant dans la rue une nuit alors que je sortais du travail. Il y avait des cris, des insultes, des menaces et les sanglots d'un enfant qui disait Arrête papa, arrête… Je pris immédiatement l'enfant dans mes bras pour l'éloigner de cet homme qui agitait les siens avec violence et maladresse. Ce dernier cessa alors son agression verbale, nous regarda, le passant, l'enfant et moi, et partit en courant vers la vieille ville pour trouver d'autres bars, d'autres alcools, certainement. Abandon nocturne d'un fils qui continuait de pleurer dans mes bras, son nez calé dans mon cou. Vous allez bien ? me demanda la voix de Cleet Boris dont je n'avais pas reconnu les traits jusque là. Il était plus de minuit, nous étions Hubert Mounier et moi place des Jacobins avec un petit bonhomme dont nous ne savions rien. Le gamin finit par se calmer et après ses pleurs, il eut ses mots, son prénom, celui d'une nounou et une adresse. Trois ombres comme une famille le temps de traverser le pont, sonner à une porte, une main sur la joue, un dernier sourire et nous dire au revoir. Il s'appelait Victor. Il doit aujourd'hui avoir trente-trois ans, j'espère qu'il a su esquiver la violence de son père, j'espère qu'il est heureux. Hubert m'a payé un taxi et je suis rentrée chez moi.
Hubert Mounier c'est l'homme de cette nuit de 1992 où nous trouvâmes un enfant.
Hubert s'appelait encore Cleet Boris et moi j'étais serveuse au Sunset café, un bar de la rue Mercière. Avec l'Affaire Louis' Trio, il répétait toutes les semaines dans un studio non loin de là. De la fenêtre du café, je voyais passer, démarche chaloupée, coiffures et costumes d'un autre temps, Cleet Boris, Karl Niagara et Bronco Junior. Trois hommes par la fenêtre d'une comédie musicale où résonnaient les notes de Chic Planète ou Bois ton café. Je les regardais ainsi sans jamais pouvoir leur dire un mot ni leur adresser un sourire.
Et puis cet homme ivre agressa un passant dans la rue une nuit alors que je sortais du travail. Il y avait des cris, des insultes, des menaces et les sanglots d'un enfant qui disait Arrête papa, arrête… Je pris immédiatement l'enfant dans mes bras pour l'éloigner de cet homme qui agitait les siens avec violence et maladresse. Ce dernier cessa alors son agression verbale, nous regarda, le passant, l'enfant et moi, et partit en courant vers la vieille ville pour trouver d'autres bars, d'autres alcools, certainement. Abandon nocturne d'un fils qui continuait de pleurer dans mes bras, son nez calé dans mon cou. Vous allez bien ? me demanda la voix de Cleet Boris dont je n'avais pas reconnu les traits jusque là. Il était plus de minuit, nous étions Hubert Mounier et moi place des Jacobins avec un petit bonhomme dont nous ne savions rien. Le gamin finit par se calmer et après ses pleurs, il eut ses mots, son prénom, celui d'une nounou et une adresse. Trois ombres comme une famille le temps de traverser le pont, sonner à une porte, une main sur la joue, un dernier sourire et nous dire au revoir. Il s'appelait Victor. Il doit aujourd'hui avoir trente-trois ans, j'espère qu'il a su esquiver la violence de son père, j'espère qu'il est heureux. Hubert m'a payé un taxi et je suis rentrée chez moi.
Hubert Mounier c'est l'homme de cette nuit de 1992 où nous trouvâmes un enfant.
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Samantha Barendson